samedi 8 octobre 2016

Le temps des livres





   Le simulacre de temps passé sur la toile rétrécit la réalité, au point qu'une journée face aux écrans peut donner à l'esprit la sensation d'avoir vécu une heure. Les images défilent, les mots défilent, et ce magma vide ne laisse que peu de traces. Tout s'évapore dans l'instantanéïté des clics. Le défilé mécanique entraîne un aplanissement des émotions. Le temps est un temps global et sans pause d'aucune sorte. La nuit et le jour fusionnent dans une clarté froide et stérile. Et l'absence est sans cesse ajournée à travers le plein et la saturation des images.

   Quand je me pose devant un livre, l'expérience du temps est toute différente. Si je n'étais pas si méfiant des oppositions binaires, je parlerais même de temps contraire au temps des clics. Avec son papier écorné ou fraîchement sorti de l'imprimerie, le livre atteint la peau de chacun. Le lecteur s'empare du livre, l'ouvre et le tord. Puis, le livre lui raconte des choses, à lui et à nulle autre personne. L'écrit est exposé au privilège d'un regard, auquel il se confie. C'est une sensation d'étirement du temps qui gagne le lecteur. Les heures passent enfin en ayant des choses à dire, y compris quand le livre est remis sur l'étagère. Les phrases continuent de fleurir sur le monde qui nous entoure, à la cadence d'une réalité retrouvée.


E.M.

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